J’ai eu l’envie, quasiment irrépressible et immédiate, de ranger mon bureau. Il n’est pas vraiment en bordel mais tout ne m’allait pas. Je ne le trouve pas idéal. Pas créatif. Trop peu de place. Alors j’essaye de bouger les meubles autour. J’accroche le tableau blanc qui était posé sur le bureau. Avec de la patafix. Je le fais tomber avant d’arriver à l’accrocher. Je tire le meuble à côté du bureau. Je fais tombé les tiroirs où sont rangés mes dossiers. Je les poses de côté. Les classeurs au dessus et en dessous du meuble, je les mets sur le fauteuil. Je bouge le meuble. Je le retourne de 90°, ça ne va pas. Je le mets en dessous du bureau. Non, pas comme ça non plus. Je le remets à sa place initiale. Le minuteur sonne. Les œufs durs sont prêts. Je les égouttes et je les réserve. Je regarde à nouveau le meuble à côté du bureau. Oui, finalement, il est bien comme ça. Je sais pas qui a fait l’aménagement de cette appartement, mais il était pas con. Titus miaule. Je crois qu’il me rappelle que j’ai pas fini de réaménager et que mes classeurs et pochettes de dessins lui volent sa place sur le fauteuil.
J’ai pris une pause fumette. Le tableau blanc vient de tomber dans un fracas qui a fait sursauté le chat. Moi aussi, peut-être, un peu. C’est décidé, on va partir sur des clous. J’avais pas envie de faire de trou pour éviter des problèmes de caution. Mais faut avouer que c’est quand même plus pratique. Je vais dans la chambre, je rabat la couette sur le lit, je fais glisser la boite semi rigide grise qui me sers de fourre-tout depuis sous le lit et je sors les outils. J’ai réussi à trouvé deux clous. Pas plus, pas moins. Uniquement le nécessaire. Marteau, niveau à bulle, sans bulle de l’Iphone et je plante. Je fais tombé le tableau deux fois avant d’y arriver, évidemment. Un clou ne se plante qu’à moitié, le mur est plus fort que mon matériel. Ça fera l’affaire. Je viens de sauver mon chat de futures frayeurs. Le problème des classeurs et du fauteuil n’est, par contre, pas encore résolu. Il s’en accommode, il grimpe sur l’accoudoir.
J’ai pas changé grand chose mais ça fait plus aéré, plus créatif. Les classeurs sont partis sous le lit et Titus a repris sa place sur le fauteuil.
Auteur/autrice : Clément
-
Les œufs durs.
-
L’évasion.
Hier, il a cassé son harnais. Il était tard, ou tôt, tout dépend le point de vue. La musique était à fond sur la télé Philips, écran full HD, 1080p, avec barre de son intégrée. Pour une télé qui doit avoir plus de 15 ans, quand on est bourré, à plein volume ça sonne comme du miel aux oreilles. J’avais invité des potes chez moi, après avoir bu une, deux, trois pintes dans un bar. La soirée était cool, on avait envie de prolonger. J’habite à côté des bars, direction chez moi. On fume à l’intérieur. Les murs sont encore blancs. Par contre j’aime bien aérer. J’ai ouvert et j’ai mis le chat en sécurité. Hop, on attache la laisse, qui est attaché à la corde, qui est attaché au frigo. J’ouvre la fenêtre de la cuisine. Il sort. Je titube.
Florian dort sur le fauteuil. Il a dormi dès la première seconde où il y a posé ses fesses. Damien et Valentin, dansent, rigolent, parlent fort, fument, boivent et rient encore. Et je les accompagne. J’ai presque oublié que j’avais un chat. Je l’entends se plaindre. Je vais voir par la fenêtre. Je vois qu’il est à moitié attaché à son harnais. Ce qui constitue le collier de son harnais s’est détachée. Je verrais plus tard qu’il s’était en fait cassée. Une des deux dents de l’attache en plastique du cou s’est volatilisée. Le cou n’est plus fonctionnel capitaine, le fauve est lâché. Voyant cette effroyable scène, je sors par la fenêtre. J’escalade le rebord intérieur, haut de quatre-vingt centimètres et large de cinquante. L’Everest en claquettes. J’agrippe l’extérieur de la fenêtre de gauche, le rebord de celle de gauche. Et je me hisse. Je suis Spider-man. Il fuit. Il saute avec son demi harnais sur le rebord de l’autre fenêtre, celle du salon. Sous le ventre, derrière les épaules la dernière lanière tient bon. Derniers détails. La corde n’est pas assez longue pour qu’il rentre par la deuxième fenêtre, celle du salon. Sa fenêtre préférée pour essayer de rentrer, évidement. Par précaution, je la laisse à moitié fermée. Bloquée depuis l’intérieur pour qu’il ne puisse pas l’ouvrir en poussant. Elle l’était à ce moment là. Je saisis l’opportunité qu’il ne soit qu’à quelques centimètres de l’intérieur. Je l’attrape. Je demande à Valentin d’ouvrir la fenêtre. Ou je demande à Damien. Ou je le fais tout seul. Dans la précipitation, je le jette à l’intérieur. Dans la précipitation, j’ai surtout oublié qu’il était encore à moitié attaché. Du coup il pend par le ventre deux secondes. Le temps que je saute et que je le détache. (Aucun chat n’a été blessé durant cette scène, je suis Spider-man). Je demande à mes soldats du soir de barricader les fenêtres. Le chat est de nouveau parmi nous. En sécurité.
Je me rapproche des boutons sur la télé (la télécommande a tiré sa révérence depuis longtemps). Et j’appuie. Sans doute, inconsciemment, pour convaincre les voisins d’appeler la Police. Je mets le son à fond. Un quart de pastis, trois quart d’eau, je reprends un verre. C’était tout ce que j’avais à offrir. Il me restait bien de la vodka mais plus de grenadine pour l’adoucir. L’eau du robinet était la seule options du soir. Un pastis, c’est très bien.
Ce soir tout le monde dort chez moi. Mon appart n’est pas très adapté, mais vu l’état de nos soldats, même un banc public aurait fait l’affaire, au moins pour deux ou trois heures. Le temps de se remettre les idées au clair et le cerveau à l’endroit. Florian a déjà choisi sa place depuis longtemps. Les autres se débrouilleront. Il reste le canapé deux places, premier prix Ikea. Un espèce de futon où l’on est obligé de ramener ses genoux à sa poitrine. Et, le sol. Valentin a, étonnement, choisi le sol. Le tapis en jute. Damien, la séance de yoga. Tout le monde s’est endormi un peu avant 8h du matin. Le soleil était levé depuis plusieurs dizaines de minutes. C’était l’heure.
A dix heure, j’ouvre les yeux. Valentin avait finalement décidé qu’un lit serait mieux qu’un tapis. Je ne devais pas prendre trop de place. À midi, mes yeux ne se referment plus, je me lève, je vais fumer du THV. Damien ouvre doucement les yeux pendant que je roule. Florian, qui a fini sa nuit sur le ventre, le dos en arc de cercle, se retourne et reprend conscience. Valentin ne tarde pas à nous rejoindre dans le salon. J’ai pas de café. Le petit déjeuner, ça sera soit une clope, soit un joint. J’ai fait mon choix avant les autres. La faim me tord le ventre. Je ne suis pas le seul. Il faut regagner des points de vie. Un burger. C’est une bonne idée ça, un burger. -
La corde jaune.
Le chat miaule, il est 9h13. Je m’étire, je baille et je m’étire encore. Je combat ces courbatures de pré trentenaire et je me lève en soufflant fort par le nez. J’enfile mes claquettes. Toilettes puis salon. Sur le canapé, je regarde la gamelle du chat. Elle est vide. Je vais te la remplir ta gamelle mon gros. Deux secondes, je me lève. Je me mets sur la pointe des pieds pour atteindre ses croquettes dans le placard. Étirements matinaux gratuits. J’ouvre le paquet de croquettes. Il crie. Fort. Il essaye de faire croire aux voisins qu’il n’a pas mangé depuis une semaine. Je remplis, il se frotte. Et se plonge dans sa gamelle. Il n’oublie pas de me remercier avant, par un petit miaou que j’interprète comme tel. Sacré Titus.
Oui, c’est son nom. Je l’aime ce gros chat. Il vient d’avoir 7 ans. C’est mon fils. Quand on était plus nombreux à la maison, il était solitaire. Maintenant qu’on est tous les deux, il est toujours près de moi. Quand je suis dans la douche, il hurle. Quand je vais me coucher, il essaye de me faire pitié. Quand je dors, il proteste dans mes rêves. Quand je suis pas chez moi, j’ai l’impression de l’entendre miauler. J’entends pas juste un chat, j’entends sa voix précis b ément. Quand j’y suis et que les portes de la salle de bain et de la chambre sont fermées, il gueule. Je crois qu’il n’aime pas les portes. Enfin… le concept de porte. Pas la structure de la porte. Il me colle. Il m’engueule. Sur le bord de la fenêtre, il regarde dans le vide, il veut sortir.
Je suis un papa poule. En centre-ville, j’ai peur qu’il se fasse écraser. Il fera moins bien son office en crêpe. Peu importe tout le Nutella que je rajoute. Et s’il se perd, j’utiliserais un plaid pour me réchauffer ? Non, c’est pas sérieux.
J’ai trouvé un juste milieu. J’ai acheté un harnais. J’ai acheté une corde. En polypropylène. De 10 mm d’épaisseur, 6 m de long. Jaune. On s’est battus, je lui ai mis son harnais. J’ai accroché le harnais à la laisse qui était fourni avec. J’ai accroché la laisse à la corde. J’ai accroché la corde au frigo. Au pied du frigo. Comme ça, il peut sortir dans la cour, en passant par la fenêtre. C’est mieux que rien. Dehors, il a des moments où il fait croire aux voisins qu’il est maltraité. Il miaule. Comme s’il voulait qu’ils appellent les services sociaux. Si c’était un gosse, ses talents d’acteurs l’auraient emmené à la DAS et moi en prison. Heureusement que ça ne dure pas plus de 5 minutes. Au delà, je passe la tête par la fenêtre, je le regarde, il me regarde et je lui dis qu’il me fout la honte, le tout saupoudré d’un regard noir. Je suis sûr qu’il a peur. Enfin… en tout cas, il a arrêté de miauler.
